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Les clés du social : Surmonter les critères de discrimination sociale à l'adolescence

Surmonter les critères de discrimination sociale à l’adolescence

Publié le 14 septembre 2024 / Temps de lecture estimé : 4 mn

Dans quelle mesure grandir dans une situation précaire affecte le parcours de vie ? L’enquête Statistiques sur les ressources et conditions de vie (SRCV) de l’INSEE évalue un caractère de précarité à partir des conditions de vie de l’individu et la situation financière de son foyer durant son adolescence (de 14 à 21 ans). La nouvelle enquête de l’INSEE : privation matérielle et sociale en 2023 conforte, via les désavantages sociaux de la vie adulte, la conséquence de la précarité adolescente.

En 2019, l’enquête SRCV analyse le déterminisme social, d’après un échantillon de 5 537 individus nés entre 1964 et 1989 dont 13,1 % étaient en situation de précarité à l’adolescence. L’indicateur de précarité à l’adolescence est retenu si l’individu remplit au moins 2 items sur quatre, soit 13,1 % des individus de l’échantillon :

  • Sentiment de précarité dans le ménage (12,2 %) ;
  • Incapacité de partir en vacances (23,4 %) ;
  • Manque quotidien de protéines (11,4 %) ;
  • Manque de matériel scolaire (2,3 %).

Bien sûr, d’autres facteurs peuvent potentiellement influencer la probabilité d’être pauvre à l’âge adulte : le niveau de diplôme des parents (+ ou – que le bac), l’origine migratoire (parents mixtes, parents immigrés), le lieu de naissance de l’individu (étranger), les activités de la mère à l’adolescence (inactive), un ménage monoparental à l’adolescence, une famille nombreuse…

Parmi les anciens adolescents précaires devenus adultes, l’enquête SRCV examine le poids de la transmission en France des personnes âgées entre 30 et 54 ans. Près d’un sur quatre est pauvre « en condition de vie », contre un sur dix chez les anciens adolescents non précaires, soit un risque de pauvreté de 2,25 fois plus élevé :

  • Ce désavantage se retrouve en termes de niveau de vie, bien qu’il existe une certaine hétérogénéité dans les trajectoires. Si près d’un ancien adolescent précaire sur trois a un niveau de vie parmi les 20 % les plus faibles à l’âge adulte, 30 % se situent parmi les 40 % les plus aisés.
  • La pénalité liée au fait d’avoir connu « la précarité adolescente », est de même ampleur en termes de pauvreté chronique, mesurée par le fait de rester pauvre en condition de vie trois années d’affilée.
  • Les sorties sans diplôme sont, à environnement familial durant l’adolescence comparable, un peu plus de 1,5 fois plus fréquente pour les anciens adolescents précaires.
  • La reproduction de la pauvreté est plus marquée pour les femmes : une femme ayant connu la précarité à l’adolescence a ainsi 1,9 fois plus de risque d’être pauvre en condition de vie à l’âge adulte qu’une femme n’ayant pas connu cette situation. Les anciennes adolescentes précaires ont 1,4 fois plus de risques de vivre à l’âge adulte dans un ménage monoparental.
  • Le parcours scolaire apparait comme un canal important de la pauvreté à l’âge adulte et donc comme l’un des principaux leviers de réduction de l’inégalité des chances liée au milieu familial.

Parmi les personnes salariées du privé entre 2011 et 2019, 46 % de celles qui étaient à bas revenus salarial le sont encore en 2019. À l’inverse, 43 % en 2011 et en 2019 sont durablement sortis de bas salaires. La plus forte progression correspond à une forte hausse de la durée du travail ainsi qu’à une hausse des salaires horaires.

En 2023, la part des personnes en situation de privation matérielle et sociale se stabilise à un niveau élevé (INSEE) de 13,6 % (13,1 % en France métropolitaine), soit 9 millions de personnes, un point au-dessus de la dernière décennie. Cet indicateur repère les personnes ne pouvant pas couvrir les dépenses liées à au moins cinq éléments de la vie courante parmi treize, comme chauffer son logement à bonne température, s’acheter des vêtements neufs, accéder à internet depuis son domicile ou se réunir avec des amis autour d’un verre ou d’un repas au moins une fois par mois.

Dans un contexte de forte augmentation des prix, notamment de l’énergie et de l’alimentation, une personne sur dix vit dans un ménage n’ayant pas les moyens financiers de chauffer correctement son appartement et une même proportion n’a pas les moyens de manger un repas contenant des protéines tous les deux jours. Ces privations sont devenues plus fréquentes que l’année précédente, contrairement aux impayés de loyers qui ont diminué.

Les familles monoparentales et les familles nombreuses sont les plus exposées au risque de privation matérielle et sociale, lié au niveau de vie, à la catégorie socioprofessionnelle, au niveau de diplôme, à l’âge et au type de ménage :

  • Début 2023, trois personnes sur dix au sein des familles monoparentales sont en situation de privation matérielle et sociale et 2 personnes sur 10 au sein des couples avec 3 enfants ou plus.
  • Entre début 2020 et début 2023, le risque de privation augmente fortement pour les employés (+2 points) et les ouvriers (+4 points), déjà davantage exposés que les autres catégories de personnes en emploi.

Les territoires ruraux abritent une plus faible proportion de personnes en situation de privation matérielle et sociale que les territoires urbains : 9 à 12 % dans les territoires ruraux contre 14 à 15 % dans les territoires urbains. Cependant cet écart s’est réduit depuis 2020, car les habitants des zones rurales ont davantage ressenti que les autres la hausse des prix de l’énergie. Leurs dépenses en chauffage et carburants étant plus élevées.

Plus la situation financière de la famille était difficile lorsque les personnes étaient adolescentes, plus le risque de privation matérielle et sociale à l’âge adulte est élevé. 75 % des personnes de 25 à 59 ans déclarent que la situation financière de leur famille à 14 ans était plutôt bonne ou très bonne, 10 % d’entre elles sont en situation de privation matérielle et sociale actuellement, contre 23 % lorsque la situation financière de leur famille à 14 ans était mauvaise et 27 % quand elle était très mauvaise. Les personnes déclarant des privations à l’adolescence (privation de vacances, de repas protéinés ou de matériel scolaire) sont nettement plus fréquemment en situation de privation matérielle et sociale à l’âge adulte que les autres.

Cette continuité des privations entre l’adolescence et l’âge adulte est liée à la reproduction partielle des inégalités de revenus d’une génération à l’autre : les enfants de familles aisées ont trois plus de chances d’être parmi les 20 % les plus aisées à l’âge adulte que ceux issus de familles modestes. Cette transmission du risque de privation se fait notamment sentir via la différence d’obtention de diplôme.


Références