Une étude de France Stratégie à partir de l’enquête emploi de l’Insee depuis 2014 met en évidence une mesure objective, « la pénalité outre-mer » dans les DROM, dont l’existence n’est pas une surprise mais qui n’avait pas été quantifiée jusqu’ici. Soit un échantillon de 134 700 individus âgés de 30 à 49 ans (5 083 nés dans les Antilles et 4 124 à la Réunion).
À origine sociale comparable : les natifs des Antilles et de la Réunion ont 20 à 25 % de chances en moins d’obtenir un diplôme du supérieur, environ 12 % de chances en moins d’accéder à l’emploi, et 35 % à 45 % de chances en moins d’occuper un poste de cadre :
- Les natifs de ces territoires grandissent dans des régions marquées par d’importantes difficultés économiques.
- Une proportion importante d’entre eux migre vers l’Hexagone.
- L’entrée sur le marché du travail est plus difficile pour les jeunes natifs des départements et régions d’outre-mer comparativement aux jeunes métropolitains.
L’enquête complète cette analyse en étudiant la situation des natifs d’outre-mer plus âgés, afin de saisir la suite de leur trajectoire professionnelle (entre 28 et 40 ans, la proportion de cadres augmente de près de 20 %) et de la comparer à celle des natifs des régions les plus défavorisées de l’Hexagone, en tenant compte du facteur migratoire. On distingue 3 populations : populations selon leur lieu de naissance, leur parcours migratoire, et leur lieu de résidence à l’âge adulte.
Les outre-mer (DROM), départements et régions français depuis1946. Les conditions socio-économiques entre la France métropolitaine et la France d’outre-mer sont encore très inégales :
- Dans les DROM, les taux de chômage sont parmi les plus élevés de l’UE avec ceux des régions grecques, du sud de l’Espagne ou de l’Italie.
- En 2021, à la Réunion, le niveau de vie médian s’élève à 17 700 euros annuel et est inférieur de 26 % au niveau de vie métropolitain. Plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté contre 15 % en France métropolitaine.
- Le taux d’émigration vers l’Hexagone est élevé : près de 4 natifs des Antilles sur dix et 1 natif de la Réunion ou de Guyane sur 4, âgés de 30 à 49 ans, résident en France métropolitaine. Un natif des outre-mer sur 3 a quitté son île, soit un niveau comparable à celui de la Corse.
Des perspectives bien moindres que celles des natifs de l’Hexagone : ils ont en moyenne des perspectives beaucoup plus faibles de réussite éducative et professionnelle que les populations nées en métropole. Ils sont 35 % à 50 % moins nombreux à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur, ils ont un taux d’emploi inférieur de 15 à 20 % et ont 60 % de chances de moins de devenir cadre que les métropolitains :
- Les natifs des DROM sont beaucoup plus souvent d’origine modeste (plus de 7 sur 10 pour les natifs de la Réunion ou des Antilles) que les natifs de France métropolitaine (un peu plus de 1 sur 2).
- Un natif des Antilles et de la Réunion sur dix est d’origine favorisée, contre un sur quatre pour les métropolitains.
France Stratégie et l’institut d’études démographiques (INED) constatent que l’origine sociale exerce une influence plus marquée sur l’accès des jeunes natifs des DROM que sur les jeunes métropolitains pour l’accès à un diplôme supérieur et pour l’accès à l’emploi mais moindre sur l’accès au statut de cadre :
La migration vers la métropole change significativement les trajectoires de ces jeunes :
- Elle réduit, sans toutefois l’éliminer, l’écart de potentiel de position sociale élevée entre les jeunes nés dans les DROM et ceux de l’hexagone.
- Elle améliore aussi la position sociale des natifs des DROM retournés dans leur région d’origine après un séjour en France métropolitaine.
- Toutefois la migration accentue la reproduction sociale, en termes de diplôme et de position sociale, car les jeunes de familles modestes migrent moins que ceux des familles plus aisées.
- Le rapport indique que la mobilité sociale ascendante semble légèrement plus favorable pour les jeunes femmes que pour les jeunes hommes dans les DROM, comparativement à l’Hexagone.
En termes d’opportunités professionnelles : on observe un vaste écart entre ceux qui sont partis (un quart des natifs de la Réunion et presque 40 % pour les natifs des Antilles). Cela s’explique par une double pénalité des sédentaires, un moindre niveau de diplôme et de sélection, mais aussi par un écart d’opportunités professionnelles plus grand, notamment aux Antilles.
À origine sociale comparable, les natifs ayant migré vers l’Hexagone sont presque aussi souvent diplômés du supérieur que les métropolitains, et ont même un taux d’emploi légèrement supérieur. Toutefois la situation est plus contrastée pour l’accès au statut de cadre :
- Cela pourrait s’expliquer en partie par les discriminations à l’encontre de ces Français natifs des territoires d’outre-mer. L’enquête a montré qu’ils se sentent fortement exposés en raison de leur couleur de peau.
- Ces discriminations pourraient expliquer la part importante des natifs des Antilles et de la Réunion travaillant dans le secteur public. À origine sociale équivalente, la proportion d’individus travaillant dans la fonction publique est de 30 % à presque 60 % supérieure à celle des métropolitains chez les natifs émigrés des Antilles et de La Réunion.
Dans l’échantillon, les catégories professionnelles les plus représentées sont :
- Les professions intermédiaires de la santé et du travail social (12,3 %) ainsi que les policiers et militaires (6,7 %) parmi les natifs émigrés des Antilles d’origine favorisée ou intermédiaire.
- Chez les émigrés de La Réunion qui présentent des taux de diplômés du supérieur plus élevée que chez les métropolitains, nous retrouvons une forte proportion d’ingénieurs et de cadres techniques d’entreprise (15,8 %) mais aussi de policiers et de militaires (7,8 %).
- Chez les natifs émigrés d’origine modeste et très modeste, nous observons une forte proportion d’employés civils et d’agents de la fonction publique (19 %) chez les natifs des Antilles et une présence notable de policiers et de militaires chez les natifs de La Réunion (9,2 %).
La note pointe deux dimensions essentielles pour une plus grande égalité des chances entre l’outre-mer et L’Hexagone. D’une part, la réussite éducative des natifs des outre-mer demeure significativement moindre, y compris par rapport aux régions métropolitaines les moins favorables comme la Corse et le Nord-Pas-de-Calais. D’autre part, la faiblesse du taux d’emploi en outre-mer pèse lourdement sur les opportunités de ceux qui résident aux Antilles et à la Réunion, y compris ceux qui sont passés par l’Hexagone.

Référence
- Moindres opportunités pour les natifs d’outre-mer – France Stratégie :
https://www.strategie.gouv.fr/publications/naitre-outre-mer-de-moindres-opportunites-autres-regions-de-france