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Les clés du social : Le paysage syndical de cet automne 2024 : Qui pèse ? Quelles opportunités ?

Le paysage syndical de cet automne 2024 : Qui pèse ? Quelles opportunités ?

Publié le 23 octobre 2024 / Temps de lecture estimé : 6 mn

La séquence politique qui vient de se dérouler en 2024 a placé au second plan les actions des partenaires sociaux dans le débat. Face à une Assemblée nationale profondément divisée, à un gouvernement en situation précaire mais aussi un patronat qui a rarement été aussi divisé, quelle place va pouvoir tenir chaque organisation syndicale ? Qui va réellement peser ? Quelles opportunités peuvent-elles dégager pour tirer leur épingle du jeu dans ce paysage mouvementé et incertain ?

Quels sont les grands enjeux de la période ?

La volonté du gouvernement Barnier de renouer un dialogue respectueux et constructif avec les partenaires sociaux, au-delà des déclarations de bonne volonté de part et d’autre, pourra-t-elle se traduire dans les faits par des résultats tangibles pour les travailleurs ?

Le gouvernement semble vouloir redonner la main aux organisations syndicales sur deux dossiers particulièrement sensibles : l’assurance chômage et l’emploi des séniors. Par ailleurs, il souhaite reprendre les discussions sur le dossier des retraites Les syndicats ont plutôt accueillis favorablement ces annonces. Reste à passer aux travaux pratiques qui commenceront par l’assurance chômage puisque les partenaires sociaux envisagent de parvenir à un accord autour du 15 novembre.

La politique de rigueur dans laquelle s’engage le gouvernement pourrait provoquer une source de conflit avec les syndicats notamment dans la fonction publique.

Même si l’essentiel des élections professionnelles sont maintenant passées dans la plupart des entreprises privées, les élections TPE à la fin de l’année et les élections aux chambres d’agriculture au mois de janvier pourraient peser dans les positionnements intersyndicaux. Les résultats finaux qui devraient être annoncés au cours du printemps 2025 établiront les rapports de force entre organisations pour les prochaines 4 années.

Par ailleurs, le poids du vote RN aux dernières élections européennes et législatives de la part d’un grand nombre de salariés pourrait influencer le positionnement de certaines organisations notamment à FO qui a vu un nombre important de ses sympathisants voter RN (Clés du social : https://www.clesdusocial.fr/elections-europeennes-2024-les-salaries-proches-d-un-syndicat-ont-votes-moins-RNet https://www.clesdusocial.fr/les-sympathisants-des-syndicats-ont-moins-vote-rn-qu-aux-europeennes ). Un véritable enjeu aussi pour celles qui ont clairement fait de la lutte contre l’extrême droite un marqueur de leur organisation telles que la CFDT et la CGT.

Comment se situent les organisations syndicales dans ce contexte ?

  • La CFDT

Après un changement de Secrétaire général réussi avec l’arrivée de Marylise Léon, la CFDT semble en ordre de marche et plutôt sereine.

La séquence de renouveau du dialogue social lui va bien. L’amélioration des rapports avec l’État au travers des propos du Premier ministre et de la nouvelle ministre du Travail sont de bon augure. Ses rapports avec le MEDEF semblent s’être améliorés. Elle entend bien en profiter pour revenir sur quelques sujets concernant les retraites notamment la retraite progressive ou encore la pénibilité. Elle n’a pas non plus renoncé à obtenir des évolutions sur le fonctionnement des CSE.

  • La CGT

La CGT s’est fortement engagée en soutien au Nouveau Front Populaire au moment des élections législatives et encore aujourd’hui. Elle s’est donc engagée dans une démarche clairement politique voire politicienne qui pourrait l’éloigner encore un peu plus des nombreux salariés qui considèrent que les syndicats sont politisés en France. Ce faisant, elle semble pourtant s’accommoder du gouvernement Barnier. Tout en soutenant les initiatives des partis du NFP, elle a accueilli plutôt modérément les annonces du gouvernement en matière sociale et devrait participer aux négociations avec le patronat et les discussions avec l’État.

Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, essaie d’entretenir l’image d’une CGT offensive et plus unie en interne sans y parvenir réellement. Après le conflit des retraites, la CGT est restée très attachée à l’intersyndicale. Elle en fait même un élément fort de sa stratégie. Mais cela ne l’a pas empêchée de décider quasiment seule de l’action du 1er octobre en tentant de mobiliser sa base militante, sans réel succès d’ailleurs.

La CGT n’a pas abandonné l’idée d’un rapprochement avec la FSU. Une option pourtant rejetée lors de son dernier congrès. Des contacts entre les deux organisations ont eu lieu. L’objectif principal pour elle serait de redevenir première organisation syndicale avec l’apport des voix de la FSU. Pas sûr que ce motif soit suffisant pour créer une réelle dynamique.

  • Force ouvrière

La période d’après conflit des retraites paraît compliquée pour FO dont le secrétaire général a du mal à exister face aux nouveaux secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT. FO hésite entre une ligne dure portée par une extrême gauche toujours très active et une volonté de participer positivement au dialogue social. Elle devrait toutefois profiter de l’embellie du dialogue social pour négocier et peut-être signer les accords sur l’assurance chômage et l’emploi des séniors. Comme les autres organisations elle devrait aussi s’engager dans les discussions sur les retraites avec l’État dont elle rêve de redevenir un interlocuteur privilégié.

  • La CFE-CGC

Comme les autres syndicats, la CFE-CGC a accueilli plutôt favorablement les déclarations de Michel Barnier et devrait s’inscrire dans le cycle de négociations entre partenaires sociaux et avec l’État. Après une période marquée par les déclarations parfois tonitruantes et imprévisibles de son Président François Hommeril et son absence de signature sur des accords importants, reviendra-t-elle dans le camp des réformistes ?

Cette organisation a plutôt le vent en poupe sur le plan électoral notamment dans les grandes entreprises où elle a enregistré des progressions notables au détriment souvent de la CGT et de la CFDT. Elle surfe sur un certain corporatisme de l’encadrement et profite de l’évolution de la structure du salariat où les cadres sont de plus en plus nombreux. Ces progressions aux élections professionnelles lui font espérer un rapproché avec FO pour la détermination de la représentativité.

  • La CFTC

La CFTC rencontre de plus en plus de difficultés à trouver sa place dans l’échiquier syndical. Elle a souvent du mal à se distinguer de la CFDT dont elle partage l’essentiel des valeurs et la stratégie réformiste. Pour elle, la mesure de la représentativité de 2025 sera un indicateur pour savoir si elle représente encore un courant particulier dans le syndicalisme français.

  • L’UNSA

Le secrétaire général de l’UNSA, Laurent Escure, a sensiblement modifié l’orientation réformiste de son organisation vers un syndicalisme plus contestataire tout en s’éloignant de plus en plus de la CFDT. Les élections TPE constituent pour elle un enjeu important. Confirmera-t-elle son score de la dernière élection ? Arrivera-t-elle, comme elle l’espère, à rejoindre voire dépasser la CFDT ? Mais devenir représentative au niveau national interprofessionnel semble hors de portée alors qu’elle avait obtenu 5,99 % pour le cycle 2017-2020.

  • Solidaires

À sa place de syndicat très minoritaire, Solidaires (les syndicats SUD) poursuit sa route de syndicat contestataire souvent aux côtés de la CGT et de la FSU en excluant, au moins pour l’instant, un rapprochement structurel avec elles. Son dernier congrès avait montré une organisation unie qui reste sur cette ligne depuis sa création (voir Clés du social : https://www.clesdusocial.fr/congres-de-solidaires-a-toulouse-toujours-pour-un-syndicalisme-de-lutte ).

  • La FSU

Cette organisation essentiellement implantée dans la fonction publique et plus particulièrement dans l’éducation nationale a semblé vouloir se rapprocher de la CGT. Après le congrès de la CGT en 2023 qui avait repoussé cette hypothèse, des contacts ont repris en 2024. Il n’est pas sûr que les enseignants de la FSU soient très enthousiasmés par ce que beaucoup perçoivent comme absorption par la CGT. Cette question sera probablement débattue lors de son prochain congrès en février 2025.



Pleines d’incertitudes liées à la situation politique mais aussi à une conjoncture économique difficile, les organisations syndicales semblent en ce début d’automne vouloir répondre favorablement aux déclarations de bonnes intentions du gouvernement en matière de dialogue social. Dans ce contexte mouvant, les partenaires sociaux sont un point d’appui solide pour surmonter la crise politique et montrer ainsi l’importance du dialogue social dans la société française.