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Les clés du social : Les dispositifs de suivi des RPS (risques psychosociaux) dans les entreprises

Les dispositifs de suivi des RPS (risques psychosociaux) dans les entreprises

Publié le 19 octobre 2024 / Temps de lecture estimé : 3 mn

À la suite des travaux et créations d’outils de mesure des RPS par des scientifiques, de grandes entreprises en font usage depuis une quinzaine d’années, tout en les transformant en fonction de leurs réalités, de la capacité d’action des responsables RH sur les directions opérationnelles et de l’évolution des stratégies d’entreprise. L’auteure, Scarlett Salman, part de l’exemple de leur mise en œuvre dans une grande banque de détail pour montrer leur usage, leurs glissements et les problèmes qui en résultent. Quelle efficacité à ces dispositifs pour la santé au travail des salariés ?

Émergence et outillage de la question du suivi des RPS

Dès les dernières décennies, le débat s’est développé sur les RPS, la QVT (qualité de vie au travail) et la qualité du travail, avec des accents différents selon les chercheurs, mais avec un laissé pour compte des questions organisationnelles et une évolution vers une conception reposant sur le bien-être individuel.

En même temps, la question est entrée dans la législation par l’introduction dans le code du travail en 2002 (loi de modernisation sociale) de l’obligation de protection de la santé physique et morale des salariés et la condamnation pénale du harcèlement moral. D’autre part, un accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress a été signé en 2008 et certaines entreprises l’ont transposé par des accords d’entreprises. L’ANI de 2013 sur la QVT revoit l’approche par les RPS en posant le diagnostic comme préalable. Ce qui amène à de nouveaux accords d’entreprise.

Le cheminement d’une grande banque de détail

À la fin de années 2000, les banques sont touchées par la crise financière et s’inquiètent de l’existence et de la médiatisation des suicides à France Télécom. D’où la demande des représentants du personnel de la réalisation d’un rapport d’expertise sur les risques professionnels. 2 rapports se succèdent permettant la création d’un « instrument de veille des RPS dans un contexte de transformation de l’industrie bancaire », avec surveillance des RPS au niveau des collectifs et détection « des cas « à risques ». Ceci à partir d’un questionnaire proposé aux salariés se rendant à la médecine du travail.

Un changement de DRH amène à l’abandon de cette version du questionnaire, au profit d’une évolution vers une politique de QVT et la négociation d’un accord d’entreprise après l’ANI de 2013. En sort un nouvel instrument de mesure, proposé chaque année à tous les salariés et aboutissant à un indice de satisfaction au travail. Quelques exemples de questions éclairent sur le sens du dispositif :

  • Je suis constamment pressé à cause d’une forte charge de travail,
  • Je ressens une forte pression pour ne pas faire d’erreurs dans mon travail,
  • Mes tâches sont souvent interrompues avant d’être achevées, nécessitant de les reprendre plus tard.
    Mais la démarche se heurte aux organisations très hiérarchiques de la banque et aux difficultés de la phase de digitalisation des activités. Pourtant existe dans l’entreprise un observatoire du stress et sont créés des espaces de discussion à titre expérimental.

Aussi un nouvel accord d’entreprise sur la QVT entraine la modification du questionnaire vers une responsabilisation du salarié ou du manager. Ainsi les conditions de travail sont englobées dans la recherche de l’engagement des salariés et managers. La QVT devient un objectif au service de la performance et le questionnaire, encore modifié, est limité sur les facteurs de risques et renvoie la responsabilité sur les managers et directions opérationnelles, tout en parlant d’un droit à l’erreur.

Les questions qui se posent à partir de cet exemple

La première est celle du risque de renvoi de la responsabilité aux salariés, par la notion d’engagement, glissement de sens par rapport à l’objectif de départ de prévention des risques professionnels. Sans que la méthode n’implique la question des choix d’organisation du travail.

Une des questions de fond est celle du peu de capacité des DRH ou RRH à agir sur les facteurs de risques par rapport aux directions opérationnelles, ce qui explique leur recherche d’un langage qui incite les directions à agir, y compris sur les organisations du travail.

D’autre part, les élus et acteurs syndicaux sont peu formés sur ces questions et ce n’est pas la transformation des CE en CSE et celle des CHSCT en simple commission Sécurité et conditions de travail qui leur permet d’en avoir facilement une vision et les compétences.

Enfin, l’action directe des RH auprès des salariés, notamment par le biais de questionnaires, baromètres, observatoires du stress ou de la QVT peut aboutir à un contournement des institutions représentatives du personnel.

En guise de conclusion

Cet exemple montre bien le glissement possible de la surveillance des facteurs de risques vers une approche du bien-être au travail puis de la mesure de l’engagement. Pourtant, ce sont des approches différentes, des visions différentes des politiques d’entreprise et des pratiques managériales. Le risque est de s’éloigner de l’objectif de santé au travail vers des enjeux de mobilisation des salariés, alors que la question de l’organisation du travail, laissée pour compte dans ces suivis, est un levier principal de prévention de cette santé au travail.


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