Les nouveaux facteurs de risques professionnels
Au-delà des facteurs de risques déjà anciens connus des spécialistes des questions de conditions de travail (pénibilité du travail, conditions climatiques, charges lourdes, exposition aux risques liés à certains métiers, etc..), l’étude met particulièrement l’accent sur les nouveaux facteurs de risques professionnels.
L’introduction du numérique, le télétravail, l’arrivée de l’intelligence artificielle, la complexification des activités économiques, l’articulation des temps entre activités professionnelles, vie personnelle et temps de trajet, le réchauffement climatique, notamment les risques liés à la chaleur, ont des impacts puissants sur les organisations du travail et donc les conditions du travail. Si ces évolutions sont mal anticipées, elles peuvent produire « une dégradation des conditions de travail, une perte d’autonomie et de sens du travail et se traduire par des formes de désengagement du travail portant atteinte à la santé physique et mentale ». L’étude cite aussi le développement de nouvelles formes d’emploi telles que celle des travailleurs des plateformes confrontés à de multiples facteurs de risques (risques liés à la circulation urbaine, dépendance vis-à-vis des donneurs d’ordre, intensification du travail, etc…).
Pour une approche « genrée » de la santé au travail
Peu développée jusqu’à présent, l’étude plaide pour une approche « genrée » de la santé au travail. L’étude regrette l’insuffisante approche statistique genrée pour montrer les atteintes spécifiques à la santé des femmes par le travail. L’étude évoque, par exemple, certains métiers majoritairement féminins (secteur social ou médico-social) pourtant confrontés aux conséquences du réchauffement climatique, qui sont moins cités dans l’exposition à la chaleur que d’autres secteurs (BTP, agriculture, et…) plus largement masculins. Autre exemple, dans les 34 actions du « Plan Santé au travail 4 » une seule mentionne le genre. Si le code du travail prend en compte la question du genre dans la production du DUERP (document unique d’évaluation des risques), celui est trop peu réalisé dans les entreprises de moins de 150 salariés.
Les pratiques managériales en France facteur de risques professionnels
Probablement une spécificité française, les pratiques managériales sont trop verticales et hiérarchiques par rapport aux pays comparables au nôtre selon l’IGAS. Les Assises du travail constataient « le poids que faisaient peser les changements organisationnels sur la santé mentale des travailleurs lorsqu’ils se multiplient et que les salariés n’y sont pas associés ». Par ailleurs, le dialogue social influe peu sur le management et les managers eux-mêmes sont peu formés aux pratiques tournées vers la coopération.
Alors que l’on sait combien « les méthodes qui développent la personnalité, la responsabilisation, la confiance et l’autonomie et la relation aux autres » sont bénéfiques à la fois pour les travailleurs et l’efficacité économique. L’IGAS cite le lien entre organisation du travail et absentéisme.
Tous ces risques peuvent entraîner une dégradation de la santé mentale qui devient aujourd’hui « un enjeu majeur ». Il en est ainsi du stress chronique et des violences, qu’elles soient d’ordre internes à l’entreprise ou externes, notamment au travers de la relation avec les clients ou les publics concernés. Les conséquences en sont des troubles psychiques, la dépression, l’anxiété, l’affaiblissement des défenses immunitaires, les troubles du sommeil ou encore les comportements à risques (addictions…). Pour l’entreprise, cela se traduit par une baisse de la productivité.

Le CESE appelle à un nécessaire effort de prévention
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, les statistiques sur les conditions de travail ne sont pas bonnes : en matière d’accidents du travail, l’assurance maladie a recensé 1 287 décès toutes causes confondues en 2023 (+60 par rapport à 2022) et 47 434 maladies professionnelles (+3 217 cas). Environ 12 000 dossiers psychosociaux sont pris en charge par an. En 2023, on a enregistré des progressions de 22 % des dépressions et de 36 % des anxiétés et de stress.
Un effort de prévention doit donc être effectué. En s’appuyant sur trois piliers : la responsabilité de l’employeur, le dialogue social sur les conditions de travail et l’action des services de santé au travail (SPST).
Le CESE propose de former et sensibiliser les acteurs concernés : employeurs, salariés, État, etc… Mais aussi les professionnels de santé. La santé au travail doit être aussi un domaine de santé publique. Plus largement, le CESE plaide pour une approche interdisciplinaire globale de la prévention.
Il s’agit d’accompagner plus fortement les employeurs dans la prise en charge de la prévention notamment en renforçant la culture de la prévention et plus particulièrement au travers des DUERP. Les SPTS ont recentré leurs missions sur la prévention à la suite de l’accord santé au travail et de la loi. Les TPE, plus en difficulté que les plus grandes sur cette question, doivent être mieux accompagnées.
La définition d’un « projet managérial » développant l’écoute, le respect, la confiance et l’autonomie doit être encouragée pour améliorer la qualité de vie au travail.
Une attention particulière doit être accordée à certains risques : l’organisation des temps notamment en direction des handicapés ; la question du genre ; l’intelligence artificielle (IA) dont la mise en œuvre doit être « préparée, réfléchie, intégrée dans un processus global de digitalisation ». Sans oublier de développer une approche genrée de la prévention.
Le dialogue social et l’écoute au centre de la dynamique de prévention
Tous les travaux ou réflexions sur le travail le disent, les travailleurs sont les mieux à même de connaître les risques auxquels ils s’exposent. Donc plus ils sont écoutés moins ils risquent de perdre le sens du travail et d’être exposés aux risques professionnels.
Au-delà de ce dialogue professionnel indispensable, le dialogue social entre employeurs et représentants des salariés aux niveaux de l’entreprise et de la branche professionnelle est une des conditions de la réussite. Le CESE souhaite par ailleurs un renforcement des prérogatives du CSE en matière d’environnement. L’articulation des temps devrait être plus abordée dans les branches, les entreprises et aussi les pouvoirs publics notamment en matière de mobilité. Enfin, l’IA devrait faire l’objet d’une négociation des partenaires sociaux au niveau national interprofessionnel.
Une étude à lire…
Source
- CESE Prévention en santé au travail, défis et perspectives
https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2025/2025_08_sante_travail.pdf